Lettre du citoyen Barchou de Ladon (1795)
Nous vous présentons ce mois-ci une lettre du "citoyen" Barchou de Ladon (1795).
Un nouveau commissaire à Morlaix
Le document présenté est une lettre, en date du 1er fructidor an III (18 août 1795) de Jean-Hilaire Barchou à son père, le « citoyen Barchou », habitant à Ladon. Ce document renferme de nombreuses informations sur la situation de l’auteur et sur la manière dont il perçoit son époque.
Jean-Hilaire Barchou informe son père de sa récente prise de poste en tant que commissaire de la guerre, donc chargé de l’administration et de l’entretien des armées, à la résidence de Morlaix. Après avoir été en poste à Cholet, au plus près de la zone insurgée des Vendéens, il reconnaît la tranquillité de cette ville du Finistère qui a l’avantage d’être éloignée des Chouans. Ces derniers opéraient approximativement dans un rectangle délimité par Saint-Brieuc et Lorient à l’Ouest, Alençon, le Mans et La Flèche à l’Est.
Il détaille le territoire placé sous son administration. Son arrondissement de division comprend trois districts : Morlaix, Carhaix et Lesneven. A peine arrivé, il se réjouit d’avoir affaire aux « habitants qui ont un peu d’éducation mais parlent français ». Les autres et « ceux de la campagne ne parlent que la langue bretonne ».
Jean-Hilaire Barchou mentionne également les problèmes financiers rencontrés, notamment des dettes « par-dessus la tête ». La seule solution qu’il envisage, pour les régler, serait d’obtenir un remboursement de la part de la commission. L’auteur doit ici faire référence à l’une des 12 commissions instituées par la Convention (1er avril 1794) pour suppléer les ministères.
Les dettes ont été contractées lors de son très long voyage, estimé à plus de « 160 kilomètres ». Il stipule avoir dépensé ses derniers louis. Les mentions du système métrique et de cette monnaie témoignent des innovations de l’époque révolutionnaire. En 1793, le pouce, le pied et la toise ont été remplacés par les mètres. Quant au louis, l’emploi de ce terme peut paraître anachronique car ces pièces de monnaie à l’effigie de Louis XVI ne furent frappées que jusqu’en 1792. En revanche, le terme de « franc » remplaçant celui de livre ne fut décrété que le 7 avril 1795 et vraiment imposé qu’en 1799.
A la fin de sa lettre, il indique envoyer des assignats prélevés sur les émigrés à Quiberon. En effet, en juin 1795, quelques semaines avant son arrivée, des émigrés avaient débarqué et 748 d’entre eux furent fusillés aussitôt pris.
Le fonds Barchou
Jean-Hilaire Barchou (Ladon, 1770 - Brest, 1833) et son frère Louis-Théodore ont laissé une importante correspondance adressée à leur père, Jacques, huissier à Ladon, entre 1792 et l’an VI. Ils y évoquent leurs affaires personnelles (comme leurs mariages respectifs) mais aussi les événements auxquels ils participent. Les deux frères occupaient des fonctions de clercs d’avoués à Melun au moment des levées des premiers bataillons de volontaires en 1792. Après son recrutement, Jean-Hilaire Barchou gravit les échelons de la hiérarchie militaire en participant aux guerres de Vendée. Il fut finalement muté à Morlaix en avril 1795, où il épousa en 1798 Marie-Innocente du Bot, issue de la noblesse bretonne. Son frère Louis-Thédore n’eut de cesse de le suivre, occupant régulièrement des fonctions auprès de lui. Ayant poursuivi sa carrière sous l’Empire, Jean-Hilaire Barchou fut anobli par Louis XVIII le 22 juin 1816 avant de prendre le titre de baron de Penhoën (du nom d'une terre située en Côtes-d'Armor) en 1830. Il fut également nommé maire de Brest de 1826 à 1830. Son fils, Auguste-Théodore-Hilaire Barchou de Penhoën (1801-1855), devint député du Finistère en 1849. Quoiqu’atypique, le parcours de Jean-Hilaire Barchou est aussi représentatif de la fulgurance de l’ascenseur social qu’ont permis la Révolution française puis l’Empire.
Pour en savoir plus
Chaque mois, les Archives départementales du Loiret mettent en valeur un document extrait des fonds, présenté dans le hall de l'hôtel du Département, 15 rue Eugène Vignat, Orléans.
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Pour consulter ce fonds
Le fonds Barchou (1 J 2154), entièrement numérisé en raison de son état matériel fragile, est librement consultable en ligne .
Date de modification : 1 octobre 2016